7 critères pour le 1er tour de la présidentielle de 2012
Régulièrement interrogé ces dernières semaines sur mes préférences pour la présidentielle de 2012, je tente de répondre par ce billet. Je suis en effet souvent interpellé par messagerie interposée, dans un format court n'excédant pas 140 caractères. Plutôt que d'enquiller les formules chocs, je préfère tenter de développer (un peu) en tentant de ne pas (trop) m'étendre.
Mon premier critère de choix porte sur la capacité à "faire de la politique autrement". Il m'a constamment guidé ces dernières années, du choix, attiré par Arnaud Montebourg, de rejoindre le PS en 2003 pour "faire changer le parti de l'intérieur" à celui de quitter cette vieille maison peu après l'investiture de François Hollande, convaincu que ce dernier ne ferait qu'en revenir aux vieilles figures et aux vieilles méthodes - les faits m'ont hélas donné raison. Cette "politique autrement" n'a rien de si original quand on y réfléchit bien. Il s'agit en premier lieu d'être en prise avec la société, avec tous les moyens de communication qu'elle peut offrir aujourd'hui. De «faire les forums» comme l'on continue à «faire les marchés», en somme, pour tenter une formule simple. Il s'agit également de prendre pleinement conscience des nouvelles modalités d'organisation de la société induites par les nouveaux moyens de communication. L'organisation en réseau a profondément transformé les manières de s'informer, travailler, vivre de bien d'entre nous, et notamment des plus jeunes. En politique, l'influence des médias de masse décline et l'on peut espérer que les campagnes verticales des années 70-90 ne seront bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Un bon candidat doit faire un effort sérieux et sincère de "réinvention de la politique", ou plutôt de retour aux sources. Il doit être prêt à un dialogue ouvert, à décider en réseau voire - transgression suprême - savoir admettre s'être trompé ou avoir changé d'avis. Il ne doit pas être le jouet d'élites médiatiques ou culturelles à l'influence deplus en plus incertaine.
Mon second critère de choix porte sur la politique migratoire et plus largement sur l'ouverture de la société. Je suis internationaliste et mettre des barrières à l'entrée de l'Europe ne me heurte pas moins qu'en mettre à celle de la France. Pour moi,l'information, les savoirs, les marchandises et les hommes doivent circuler librement. J'attends donc d'un candidat qu'il formule des propositions adaptées à ce monde ouvert. Ce thème est le plus souvent abordé à travers deux questions : la taxation des importations et la régularisation des clandestins. J'en ajoute une : la manière dont nous accueillons les immigrés légaux. Marié à une jeune femme russe, je suis encore régulièrement épouvanté par le traitement réservé aux conjoints étrangers, placés de fait dans une situation d'une grande précarité. Les médias se son fait l'écho ces dernières semaines du traitement réservés aux diplômés étrangers. Il est temps de rompre avec cette rupture dans l'histoire de la France...
Mon troisième critère porte sur l'emploi et l'innovation. En cohérence avec les deux premiers, j'appelle de mes voeux une politique permettant à chacun d'être en situation d'innover, de toutes les manières possibles. Pour avoir été impliqué dans trois créations d'entreprises, j'ai développé une aversion certaine pour les solutions bureaucratiques et plus particulièrement pour celles impliquant une forte dose de contrôle a priori. J'attends donc d'un candidat qu'il soit capable à la fois de soutenir quelques filières d'avenir et de libérer les énergies dans les domaines à faible ticket d'entrée, comme l'Internet.
Mon quatrième critère porte sur l'environnement et l'énergie. Autrefois partisan convaincu de l'énergie nucléaire, je ne pense plus aujourd'hui après Tchernobyl et Fukushima que l'on puisse poursuivre dans cette voie tant il est manifeste que nous ne contrôlons que bien mal des systèmes aussi dangereux que complexes. J'attends donc d'un candidat qu'il organise la sortie rapide de la France du nucléaire et soutienne massivement le développement des énergies renouvelables.
Mon cinquième critère porte sur les services publics, et notamment ceux d'éducation et de santé. Alors que l'école est brutalement attaquée et que la France régresse de manière spectaculaire dans les classements internationaux, alors que notre système de santé, considéré en l'an 2000 comme l'un des tous meilleurs du monde, est aujourd'hui gravement menacé, j'attends d'un candidat qu'il prenne les mesures nécessaires au rétablissement et au développement de ces deux services essentiels.
Mon sixième critère porte sur le logement. Ayant la chance de plutôt bien gagner ma vie, je suis effaré devant la rareté des logements en Île de France et l'explosion des loyers.
Mon septième critère porte sur le «numérique». Il rejoint largement le premier, l'important ici étant tout d'abord la prise de conscience de l'importance pour nos sociétés de la généralisation de l'organisation en réseau. Il rejoint également le second et les troisième, la confrontation à l'autre et à ses idées étant synonymes de développement et d'enrichissement, dans tous les sens du terme. J'attends ici plus particulièrement des politiques très fermes de protection des droits fondamentaux, ainsi qu'un effort de capacitation («empowerment») des personnes. De manière très terre à terre, cela veut dire soutenir un projet tel que la Freedom Box, protéger la neutralité du net, refuser ACTA et l'hadopi, et ne pas remplacer cette dernière loi de perpétuation d'un monde en voie de disparition par un dispositif jumeau.
À ce jour, le meilleur candidat est pour moi Éva Joly. J'apprécie de longue date son courage, depuis bien avant qu'elle ne fasse de la politique mandataire. Ses engagements en matière de politique migratoire, pour le développement des filières vertes, la sortie du nucléaire, les services publics et le numérique sont nets et précis. Sauf évènement majeur, elle sera donc mon choix pour le premier tour, et j'espère pour le second.
Commentaires
ton choix est respectable. Mais ma curiosité l'emporte : qu'est-ce qui te heurte, chez Mélenchon ? Il remplit un certain nombre de tes critères personnels. Numérique, logement,santé, éducation, environnement... ainsi, sur ce thème, FNE l'a classé pour ses propositions devant la candidate pourtant plus légitime sur le sujet ! C'est pour dire... Mais nous sommes nombreux au fdeG a être sensibles à ce sujet, malgré la méconnaissance et les on-dits...
@GdC : ton commentaire est juste et j'hésite aussi parfois avec Jean-Luc Mélenchon, que j'ai eu la chance de croiser il y a quelques années à PRS et que j'apprécie également beaucoup. J'aime bien sa manière de militer.
Ses propositions (je ne parle pas de ses convictions personnelles) sur le nucléaire me semblent cependant un cran en dessous. Économiquement, il me semble trop dirigiste.
T'as ben raison mon Ludo...